Pineaux des Charentes François 1er
L’un des meilleurs Pineaux des Charentes est produit au Domaine des Gâtinauds, sous le nom François 1er. Rencontre avec les frères Rivière, dans une des plus anciennes exploitations viticoles de Charentes, pour un voyage dans le passé.
Thierry Heins
Rien n’a changé dans cette exploitation viticole de Charentes, située en Petite Champagne, où les frères Rivière perpétuent la tradition d’une production de Pineaux d’excellence, sous la marque François 1er. Ni les chais, ni les alambics, ni même les étiquettes n’ont changé depuis la création de la marque par Gaston Rivière en 1934, lorsqu’il décide de ne plus commercialiser que des Pineaux vieillis en fûts de chêne.
Pineau, un « mistelle »
L’aire d’appellation d’origine contrôlée « Pineau des Charentes » s’étend sur le vignoble du Cognac, en Charente et Charente Maritime mais peut également être produit dans quelques communes de Dordogne ainsi que des Deux Sèvres.
Le Pineau des Charentes trouve son élaboration par mutage de jus de raisin frais et d’eau-de-vie de Cognac, distillée au moins une année avant. Toutefois, pour pouvoir bénéficier de l’AOC, les moûts de raisins et l’eau-de-vie de Cognac doivent provenir de la même exploitation viticole. Le Pineau des Charentes appartient ainsi à la catégorie des « Mistelles », tout comme le pommeau de Normandie (mutage de jus de pomme par du calvados), le Floc de Gascogne (mutage de jus de raisins par de l’armagnac), le Macvin du Jura (assemblage de moût et d’eau-de-vie de marc du Jura) ou encore le Ratafia de Champagne (assemblage d’un alcool d’origine viticole avec du moût de raisins de Champagne).
En Charentes, les producteurs ont le choix entre différents cépages, dans le but de conférer des caractéristiques aromatiques particulières au produit. Pour un Pineau des Charentes Blanc, seront utilisés les cépages de l’Ugni Blanc, du Colombard, du Sémillon, du Sauvignon, Montils, Jurançon Blanc mais encore la Folle Blanche. Quant au Pineau Rosé, il sera réalisé à partir de Merlot Noir, Cabernet franc et Sauvignon ou encore Malbec.
Le Colombard, cépage privilégié des Pineaux François 1er
Particularité, les pineaux de Dominique et Emmanuel Rivière sont élaborés majoritairement à partir de Colombard issu à 80% de vignes âgées de plus de 90 ans. « J’aime beaucoup ce cépage », me dit Dominique Rivière, il « donne un jus très sucré et très acide, qui supporte très bien de longs vieillissements, sans perdre en fraicheur ». Malgré un taux de sucre de 125 gr/litre, les pineaux qui me sont offerts à la dégustation sont en effet marqués par une grande fraicheur. On n’est pas ici dans le « pineau confiture ». Les cépages merlot et cabernet destinés à l’élaboration du pineau rouge couvrent seulement 3 ha.
Dominique Rivière est un personnage d’une grande gentillesse, il est ravi d’expliquer et de me faire visiter l’exploitation. Le succès de ses pineaux auprès d’une clientèle exigeante ne lui monte pas à la tête. On les retrouve en effet sur les meilleures tables de France et à l’étranger: Auberge de l’Ill, le Plaza Athénée, la Maison Troisgros….
Dominique distille son cognac destiné au mutage dans deux authentiques alambics en cuivre de 8,5 hls qui restent parmi les rares à être chauffés au bois et au charbon. Pendant la campagne de distillation, il dort au pied des alambics. Le distillat à 70° est stocké dans des fûts roux pendant 1 an. L’exploitation ne commercialise pas de cognac, du moins pour l’instant.
La surprise : près d’un siècle de millésimes dans les chais
Dans les chais, je découvre une réserve importante de pineaux, de millésimes très anciens, dont des fûts de 1929, de 1951, 1953… Excusez du peu. Ce stock par rapport aux ventes permet de ne mettre sur le marché que du Pineau vieilli en fût de chêne roux ex Cognac durant de très nombreuses années. Ceci explique cela ! « Le marché du Pineau est un marché difficile, en baisse depuis plusieurs années, mais nos ventes augmentent », ajoute D. Rivière. « Pour notre Pineau Grande Réserve de 15 ans, nos clients font l’acquisition de bouteilles pour ainsi dire uniques puisque nos ventes se font, année par année, et fût par fût ».
Intarissable sur le sujet, Dominique explique les quatre facteurs essentiels dans l’élevage de ses pineaux. « Le bois va donner cette teinte ambrée à la liqueur. Au contact de l’air, une madérisation du produit, qui va lui donner ce côté oxydatif recherché et ce goût de rancio, s’opère. Nos chais humides permettent d’adoucir les pineaux, de les arrondir. Dans des chais trop secs, l’évaporation serait plus intense, ce qui donnerait des pineaux plus secs, plus « agressifs ».
Il poursuit : « Au court du vieillissement, un phénomène de décantation des lies s’opère dans les barriques. C’est cet élevage sur lies fines qui va apporter toute la complexité aromatique à nos pineaux. Quand nous soutirons pour la mise en bouteille, nous laissons les lies dans les tonneaux et nous les remplissons une nouvelle fois avec du pineau jeune ».
Mais passons à la dégustation. Depuis peu, la pétillante Alice Fougère a rejoint l’exploitation, pour développer la partie commerciale. On échange sur la gamme, et Philippe présente les produits ; La gamme est constituée d’un blanc de 5 ans, un rouge de 4 ans, un blanc Grande Réserve de 15 ans et une Cuvée Prestige de 40 ans. J’adore les étiquettes, en effet il ne faut rien y changer.
Pineau Blanc 5 ans d’âge
Un nez et une bouche marqués par l’abricot et les agrumes (citron), c’est aérien, frais en bouche. Vous m’en mettrez six bouteilles. A l’apéro, à déguster frais 8/10°, ou avec un tonic, histoire d’arrêter un peu le gin & tonic.
Pineau Blanc Grande Réserve 15 ans d’âge
Ce fameux goût de rancio, parfois bien difficile à décrire. Un nez de fruit confits, de pruneaux, de noix fraiche. La bouche est ronde, suave, sur des fruits exotiques, avec une finale sur de la noix sèche. Et toujours beaucoup de fraicheur. Allez, trois bouteilles de plus pour les longues soirées d’hiver, et quelques cailles aux mirabelles à mijoter dans du pineau….
Pineau Rouge 4 ans
La couleur rouge est intense (due au merlot), La bouche est marquée par les fruits rouges, notamment la griotte, la groseille rouge et la framboise. De nouveau beaucoup de fraicheur. Idéal évidemment sur un gâteau au chocolat.
