Histoire du vin et de la distillation en Vénétie

Il est impossible de dissocier la Vénétie de son patrimoine agricole et, en particulier, de ses vignobles.

La zone située entre les Dolomites, le lac de Garde et la lagune de Venise doit sa configuration actuelle  à plusieurs facteurs. L’un d’entre eux est sa structure géologique, avec d’abondantes ressources en eau sillonnées par des vallées qui permettaient l’accès aux routes commerciales. La région dispose d’importantes voies navigables et d’un accès aux vallées du nord de l’Europe, qui constituent des points névralgiques pour les échanges commerciaux. La Via Postumia reliant Gênes à Aquilée et à la Slovénie constituait la voie est-ouest. La Via Annia et la Via Claudia Augusta, reliant Venise à la région du Danube via les cols alpins, établissaient l’axe nord-sud.

Les Romains y produisaient de grandes quantités de vin, qu’ils mélangeaient souvent avec ceux de l’Istrie et des Marches avant de les envoyer à leurs légions. Le transport des vins s’effectuait au départ dans des amphores. Elles furent remplacées peu à peu par des tonneaux. Strabon parlait de la Vénétie et de ses « tonneaux grands comme des maisons ».

La montée en puissance de Venise et de la Sérénissime transforma la Vénétie un centre de production de blé, mais aussi  de vin et de fruits. Elle permit  d’étendre les routes commerciales grâce à une impressionnante flottille.

L’affluence des marchands et des voyageurs à Venise, particulièrement importante pendant le carnaval,  a favorisé l’essor des auberges et des bistrots. Dans son « Dialogue concernant les grands systèmes mondiaux » qu’il  dédie à son ami vénitien Gianfrancesco Sagredo, Galilée parle de leurs rencontres et conversations autour de verres remplis de « vin froid et pétillant », faisant probablement référence à une boisson proche du Prosecco.

Les Vénitiens étaient également réputés pour importer des vins et les assembler en fonction des marchés et des prix. Cette coutume, connue sous le nom de « méthode vénitienne » – « alla moda di Venezia », qui consiste à assembler des vins de différents millésimes, était inédite en Europe et visait à normaliser un produit qui pouvait être extrêmement variable en termes de provenance et de techniques de vinification. À partir du XVIIe siècle, l’emprise de Venise sur les marchés commerciaux européens et sur les vins de qualité commence à s’estomper progressivement. En effet, elle a sous-estimé l’impact de la révolution des boissons avec l’augmentation de la consommation de café et de thé, puis le développement de l’industrie vinicole bordelaise et le contrôle du commerce exercé par l’Angleterre et la Hollande après la paix de Westphalie. De nouveaux modèles apparaissent, axés sur les vins doux à forte teneur en alcool, et la « méthode vénitienne » est remplacée par la « méthode anglaise », qui consiste à fortifier les vins à l’aide de distillats. Venise a perdu le marché du vin doux sur les marchés d’Europe du Nord, notamment parce qu’elle a sous-estimé le rôle que jouerait les « alcools de vin – brandy » dans la création de vins fortifiés. Venise a également commis une autre erreur en réagissant aux vins fortifiés – en particulier le Porto – en essayant d’imiter l’absinthe, très populaire sur les tables françaises à l’époque, en produisant du vermouth. Cette innovation a été mal perçue par les consommateurs de l’époque qui considéraient le vin aromatisé comme une contrefaçon.

Malgré son déclin, Venise a pris des initiatives décisives pour le développement de la viticulture. En 1769, elle a encouragé la fondation de l’Académie d’agriculture de Trévise, suivie l’année suivante par une Académie similaire à Conegliano. En 1876, l’école d’œnologie est fondée et, en 1923, l’institut de viticulture expérimentale. Conegliano deviendra un centre important pour la viticulture et la vinification.

La distillation s’est répandue en Vénétie entre le 13e et le 14e siècle. Comme nous l’avons déjà mentionné, Venise était un marché important pour le vin et les distillats, dont l’usage était plus médicinal qu’hédoniste. Ils étaient exportés vers l’Orient et l’Europe du Nord comme remède à plusieurs maladies et affections telles que la peste et la goutte. L’un des premiers traités, « De Conficienda Aqua Vitae », a été écrit au XVe siècle par le médecin padouan Michele Savonarola (1384 – 1462), le grand-père du célèbre frère dominicain Girolamo Savonarola. Le marc de raisin n’est pas explicitement mentionné, mais il était probablement déjà utilisé au 14e siècle. Étant donné que les distillats étaient généralement consommés par les classes inférieures, les sous-produits de la production de vin ont pu constituer un moyen économique pour la production d’alcool bon marché. Les entreprises de distillation ont ainsi prospérer en Vénétie. La Vénétie est encore aujourd’hui l’une des régions les plus importantes d’Italie pour la production de grappa, de brandy, de distillats de fruits et de boissons apéritives en général.

Davide Terziotti

Credit photo cover page – Distilleria Brunello – Caldaiette

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