La production de baijiu, une histoire de « qu »
Une étape très particulière intervient dans la fabrication du baijiu, la préparation du « qu » (se prononce « choo »). C’est une étape primordiale à la saccharification et la fermentation du sorgho. Visite de la distillerie Fenjiu, dans la province centrale de Shanxi, afin de mieux comprendre cette opération ancestrale.
Ce spiritueux fougueux à base de grains, appelé baijiu, est distillé et savouré en Chine avec un rituel quasi inchangé depuis des siècles. Il est la boisson incontournable de toutes les fêtes et évènements qui rythment la société chinoise. Le baijiu est également la première catégorie de spiritueux dans le monde, on estime sa production entre 9 et 12 milliards de litres, un océan !
Son mode d’élaboration repose sur la fermentation et la distillation du sorgho – une céréale largement cultivée à travers la Chine – mais d’autres céréales telles que le riz, le blé ou le maïs peuvent entrer dans sa recette.
Une étape très particulière intervient dans la fabrication du baijiu, la préparation du « qu » (se prononce « choo »). C’est une étape primordiale à la saccharification et la fermentation du sorgho.
Les grains de sorgho sont riches en amidon mais pauvres en sucres simples, seules sources que les levures peuvent transformer en alcool. Il faut donc en premier lieu « saccharifier » (couper) les longues chaines d’amylose et d’amylopectine de l’amidon pour obtenir les sucres simples. Dans nos distilleries et brasseries, la saccharification est le résultat du processus de maltage (germination) de l’orge au cours duquel des enzymes dénommés amylases sont produits naturellement par le grain et ensuite activées à leur température optimale lors de l’empâtage du brassin.
Le sorgho n’est pas malté, mais les chinois ont mis au point cette technique du « qu » pour libérer les sucres fermentescibles.
Qu’est que le « qu » ?
Dans la province centrale de Shanxi, réputée pour sa production de baijiu aux arômes légers, les producteurs préparent un mélange de blé, de pois et d’eau, pour fabriquer des sortes de briques, qu’ils exposent ensuite à des conditions d’humidité et de température particulières. Sur ce milieu très riche vont se développer rapidement des moisissures et des bactéries naturellement présentes dans l’air. Les briques sont ensuite broyées et la poudre de « qu » est inoculée sur la préparation de sorgho frais. Ce sont ces bactéries et moisissures qui libèrent les sucres, pendant l’étape de fermentation. Saccharification et fermentation se passent conjointement.
Photos : Les briques de « qu » à base de pois et de blé sont inoculées naturellement par les microorganismes présents dans l’air ambiant.
La production du « qu » chez Fenjiu
Fenjiu est le leader incontesté des baijius aux arômes légers, J’ai pu visiter les installations de production, situées à Fenyang, elles occupent un site de 4 has et donnent du travail à plus de 10,000 personnes.
A côté des 12 lignes d’embouteillage ultramodernes d’une capacité de 12,000 btes par heure et par ligne (c’est dire le volume produit), de gigantesques entrepôts de stockage totalement automatisés, de laboratoires full-équipés (spectrophomètre de masse…), la production même du baijiu est restée très artisanale.
Le « qu » est produit dans une multitude de bâtiments rectangulaires, dont l’atmosphère – température et humidité – est +/- contrôlée par ouverte ou fermeture des fenêtres. Les briques fraichement moulées sont posées en couches successives séparées par des tiges de bambou pour permettre la circulation d’air. Pendant 3-4 jours, elles sont recouvertes de nattes pour maintenir l’humidité favorable à leur inoculation naturelle. Elles sont ensuite séchées à 40°C et stockées/maturées 5-6 mois dans des abris exposés à l’air. Des odeurs très agréables de pois, de levain, de pain frais se dégagent des briques de « qu ».
Le sorgho frais humidifié est inoculé avec la poudre de brique, et fermente dans des jarres de 0,45 m³ enterrées pendant 3-4 semaines. Saccharification et fermentation opèrent conjointement en phase semi-solide. Le « marc » fermenté est récupéré, mélangé à du son pour être distillé.[/fusion_text][fusion_text]
Les meilleurs fenjius peuvent maturer dans des jarres pendant plusieurs années, avant d’être réduits et mis en bouteille. Ce sont des spiritueux d’une grande complexité, élégants, d’une grande pureté, et méritent l’attention des acteurs du monde des spiritueux et des consommateurs.
Thierry Heins