L’histoire du vermouth

Il y a 2400 ans en Europe, on évoquait déjà un vin doux contentant de l’absinthe et de l’origan. Considéré alors comme un médicament, on pourrait le qualifier d’ancêtre du vermouth moderne.

La première version italienne vendue dans le commerce a été créée en 1786 par Antonio Benedetto Carpano. Il employa des ingrédients de qualité, ajouta un alcool au vin aromatisé aux herbes et le dénomma « Wermut », terme allemand couramment utilisé pour signifier l’absinthe. Comme le français était la langue dominante dans la région (la Savoie), ce nom est devenu par la suite « vermouth ». A la fin du 18^ème siècle, la boisson médicinale s’est transformée en apéritif, puis à la fin du 19^ème siècle le vermouth a été plébiscité par les barmen en tant qu’ingrédient de choix. Des cocktails tels le Manhattan et le Martini se sont popularisés dans le monde entier, et restent en vogue encore aujourd’hui.

Dans les années 1950, si le vermouth a perdu de sa popularité dans le monde anglo-saxon, les immigrés italiens sont restés fidèles à leur boisson. Dans les pays du Sud de l’Europe, comme l’Espagne, la France et l’Italie, le vermouth a conservé ses adeptes, apprécié surtout au moment de l’apéritif. L’essor des bars à cocktails au 21^ème siècle a permis aux marques de vermouth de renouer avec la croissance.

Production

De nos jours, le vermouth est majoritairement élaboré à base de vin blanc, donnant naissance à une boisson de couleur pâle, aux saveurs amères et sèches. Il existe également une déclinaison en rouge, qui développe souvent un côté plus sucré. Sa robe provient rarement de l’utilisation de vin rouge, mais plutôt de l’adjonction de caramel ou de plantes. Un vin classique, parfois élevé en barriques, constitue la base d’un vermouth. L’alcool ne s’ajoute qu’une fois terminé le processus d’élaboration du vin de base. La réglementation italienne précise que le vin doit constituer au moins 75% du vermouth, le titre alcoométrique total ne devant pas dépasser 22%.

Les producteurs ont à leur disposition une immense variété de plantes, d’herbes et d’épices pour élaborer du vermouth. Parmi les plus courantes, citons l’angélique, la cardamome, la coriandre, l’origan, la gentiane, le gingembre, le houblon, l’écorce d’orange ou de pamplemousse, la réglisse, la marjolaine, la rose, le safran, l’anise étoilée, la vanille et le thym. Puis figure, bien sûr, l’incontournable Artemisia absinthium.

La réglementation italienne précise que le vin doit constituer au moins 75% du vermouth, le titre alcoométrique total ne devant pas dépasser 22%. L’Artimisisum absinthium est un ingrédient obligatoire.

Le plus souvent, ces ingrédients très parfumés sont associés à l’alcool parce que son titre alcoométrique élevé favorise l’extraction des saveurs recherchées. Celles-ci peuvent être obtenues, soit par macération, soit par distillation. Les herbes sont alors principalement accrochées au goulot de la chaudière, permettant à la vapeur montante d’emporter les arômes souhaités. Parfois, les herbes et les plantes sont ajoutées au vin fortifié à la fin du processus. Bien évidemment, chaque technique donne un produit fini différent. En 2017, une appellation d’origine – le Vermouth di Torino – a vu le jour avec comme objectif de protéger les producteurs de vermouth de la région. Selon le cahier des charges, le vermouth doit être élaboré à base de vin blanc du Piémont.

Sucrosité

La sucrosité du vermouth provient de l’adjonction de sucres (pour les qualités inférieures) ou de l’alcool au vin en fermentation. Cette dernière technique tue les levures, laissant subsister la douceur naturelle des raisins. Dans certains cas, l’alcool provient de betterave, mais dans les versions plus qualitatives de vermouth il s’agit d’alcool à base de raisins. Les cépages méditerranéens réputés tels que le trebbiano et le picpoul sont souvent employés mais des variétés moins connues comme la bianchetta, le catarratto, la clairette blanche et la trevigiana sont également plébiscitées. Les vins issus de ces raisins conservent à la fois légèreté et faible teneur en alcool. D’après la réglementation européenne, le titre alcoométrique du vin s’élèvera entre 15 et 22% après distillation.

On peut classer les vermouths selon leur sucrosité :

• Extra sec :  moins de 30 g de sucre par litre
• Sec : moins de 50 g de sucre par litre, min 16% d’alcool
• Demi-Sec :  entre 50 et 90 g de sucre par litre
• Demi-Doux : entre 90 et 130 g de sucre par litre
• Doux : 130 g ou plus de sucre par litre

Une bouteille de vermouth se conserve plus longtemps après ouverture qu’une bouteille de vin, en raison de cette douceur et d’une teneur en alcool légèrement plus élevée. Toujours est-il que la teneur en alcool n’en prolonge la durée de vie que de quelques semaines après ouverture, et ne le protège pas, in fine, de l’oxydation. On recommande ainsi de consommer du vermouth jusqu’à six semaines après ouverture et de le conserver au réfrigérateur.

Les marques

De nos jours, le vermouth est élaboré dans le monde entier mais en prévision de notre voyage en Italie, nous citerons quelques marques italiennes. Le vermouth peut se consommer seul, mais s’apprécie le plus souvent en cocktail.

Martini & Rossi Sans doute le vermouth le plus connu au monde, créé en 1863 par Alessandro Martini et Luigi Rossi à Asti, dans le Piémont. Depuis, seuls 8 maîtres assembleurs en connaissant la recette se sont succédé. Ils en élaborent des déclinaisons en doux, sec et blanc, de même que le ‘Fiero’, un vin blanc sec infusé d’orange douce et amère.

Mancino Vermouth Cette nouvelle marque lancée en 2011 est très appréciée des barmen, surtout parce que c’est l’un des leurs – Giancarlo Mancini – qui l’a créée. Dans la gamme de base figurent le Secco, Dry, Bianco Ambrato et Rosso Amaranto, mais on trouve aussi le Mancino Vecchio. Il s’agit d’une version vieillie du Rosso Amaranto, élevée en barriques de chêne blanc italien pendant une année entière.

Punt e Mes Cette marque a été fondée en 1786, lorsqu’Antonio Benedetto Carpano, cité plus haut, a créé son vermouth sucré. Il aura fallu attendre 1870, cependant, pour que naisse cette interprétation, désormais la cuvée la plus appréciée de la maison. Le terme « Punt e Mes » provient d’une expression locale qui signifie, ajouter une demi-mesure d’amers au vermouth sucré.

Cocchi Créée en 1891 par Giulio Cocchi, cette marque se revendique comme étant à l’origine du titre de « Royaume du Vermouth » décerné à la région du Piémont en Italie. La maison décline une gamme en blanc, rosé et rouge, de même que son Cocchi Tipo Esportazione. Ce dernier est issu de Barolo élevé en barriques pendant trois ans, particularité qui en fait le vermouth le plus cher de cette collection. La quinine et la casse en constituent les principaux extraits mais ce vermouth compte plus de 20 ingrédients. Il est édulcoré, ce qui le rend apte à une consommation en fin de repas.

Carpano Antica Formula Prisé par les barmen, ce vermouth a également été imaginé par Antonio Benedetto Carpano en 1786. De nos jours il est élaboré par la distillerie Fratelli Branca et le vin blanc faiblement alcoolisé dont il est issu provient des Pouilles, de la Sicile et de la Romagne. Il se décline en Bianco, Dry et Classico, de même qu’une Antica Formula. La légende veut qu’il s’agisse du vermouth qui a servi à la création du Martinez, ancêtre du martini.

Vermouths récompensés en 2022

Nous terminerons ce portrait du vermouth avec trois produits récompensés lors de l’édition 2022 du concours en Guadeloupe. Ils sont peut-être moins connus du grand public mais leur qualité est fort éloquente, d’où les prix qui leur ont été décernés lors du concours. Chaque produit s’accompagne de quelques commentaires des dégustateurs.

OLD – Vermouth di Torino Une alliance d’orange amère et de pamplemousse à laquelle se succèdent des fruits rouges mûrs puis de puissants amers, le tout arborant une robe rouge-rouille. La complexité de ce vermouth atteint la perfection, d’où son profil polyvalent qui convient aussi bien à une consommation quotidienne qu’à l’emploi en cocktail, y compris les plus complexes.

Vermouth Classico Del Professore 2021 Avec sa robe vive de jaune tournesol, ce vermouth se montre complexe et agréable, véritable condensé de notes de fruits frais acidulés. Le quinquina et l’angélique exhalent une note de racines, menée par une grande puissance et une belle complexité. Doté d’un équilibre parfait entre acidité et douceur, son vin de base reste reconnaissable.

Civico 10 Vermouth di Torino Rosso Superiore Un vermouth limpide caractérisé par de beaux arômes d’armoise et quelques notes poivrées. Les arômes de fruits rouges sont légion, portés par de belles saveurs typés vin avec un alcool bien intégré. Expressif, il affiche structure et complexité équilibrée. Un beau représentant de la catégorie à la finale particulièrement persistante ! René Van Hoven