Les atouts de la Cachaça (1/2)

Les cachaças sont à l’évidence les plus proches cousins de nos rhums agricoles, mais on en trouve très peu sur nos marchés occidentaux. Christian Vergier, spécialiste du vieillissement du rhum, et Thierry Heins, directeur du Spirits Selection by Concours Mondial de Bruxelles, font le point sur les atouts et les particularités de la Cachaça dans cet article en deux parties dans un interview mené par Mauricio Maia, spécialiste brésilien de la Cachaça.

Quelles sont, selon vous, dans tous les domaines, les atouts et particularités de la cachaça ?  Selon vous la cachaça d’il y a 15 ans et celle d’aujourd’hui sont-elles les mêmes ?

Christian Vergier: Les cachaças sont à l’évidence les plus proches cousins de nos rhums agricoles des Antilles françaises, issus tous deux de la distillation du pur jus de canne. La Cachaça se différencie cependant par un degré de distillation beaucoup plus bas, situé entre 38 et 48 %. Cette particularité technique lui garantit d’être au plus proche des saveurs initiales de sa noble matière première. Au nez la Cachaça Branca, blanche, est débordante de saveurs primaires et de fraicheur.  La bouche est très généralement grasse, suave et gourmande.

A l’heure où les rhums agricoles recherchent, avec réussite, leur personnalité dans une certaine préciosité, la cachaça nous ramène aux fondamentaux et nous les apprécions pour cela.

S’il a une quinzaine d’années, les Cachaças vieillies étaient plutôt rares, il y a aujourd’hui pléthore de produits divers qui méritent tous notre attention.  Si le degré particulièrement bas de l’eau de vie initiale rend cet exercice de passage sous bois complexe, il contribue certainement à donner toutes ces particularités aux produits obtenus.

C’est là où le Brésil, terre de forêt, montre toute son originalité. Si l’emploi du bois de chêne qu’il soit américain ou français est courant, ce sont les essences locales qui séduisent les amateurs.

Umburana, Canela Sassafras, Jequitiba, Balsamo…leur diversité est aussi grande que celle de leur terre d’origine. On compte une trentaine d’essences de bois. J’ai participé l’année dernière au CMB Brasil comme juge, j’ai donc eu la chance de pouvoir déguster ces cachaças, et de visiter quelques producteurs.

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C’est une large porte qui s’ouvre sur un univers follement exotique. Certes,  pour les consommateurs européens,  les repères manquent encore pour évaluer avec précision l’apport de chacune de ces essences de bois, mais elles apportent toutes une sympathique singularité. Utilisées seules, les essences identifient avec précision le produit ; en assemblages elles apportent une exceptionnelle diversité. Nous espérons que ces splendides produits se retrouveront dans le Spirits Selection 2018, et dans un futur proche sur les marchés internationaux.

Thierry Heins: Il y a quinze ans, il était impossible de trouver les bouteilles disponibles aujourd’hui, spécialement ces cachaças « Armazenada ».  Le packaging a bien évolué, les bouteilles de « bière » et les étiquettes très basiques sont remplacées par de jolies bouteilles et des carafes, même s’il reste du chemin à faire.

On a tort de penser que la consommation de cachaça se fait essentiellement sous forme de cocktails de fruits et de caipirinha. Un des points fort de la cachaça c’est qu’elle n’a pas un rituel bien précis de consommation. On peut la boire pure, sous forme de cocktails, en digestif, en accompagnement d’un repas. Les occasions de consommation sont nombreuses.

Si les consommateurs européens ont déjà dégusté une cachaça branca ou une » caipi », en revanche bien peu savent qu’il existe des versions vieillies dans une multitude de bois exotiques. Les producteurs brésiliens doivent communiquer sur cette spécificité auprès des consommateurs internationaux. Car le consommateur d’aujourd’hui n’achète pas seulement un goût, il achète aussi une histoire, il veut connaitre l’origine du produit et son élaboration. Et il y a tellement à dire sur la cachaça.

Aujourd’hui pouvez-vous dire que la cachaça dispose d’atouts suffisants pour se hisser parmi les spiritueux internationaux de qualité ?

Christian Vergier: L’édition 2017 du concours a permis de mettre en évidence le niveau qualitatif des cachaças dans les sous-catégories « Armazenada » et « Envelhecida ». L’évolution sur ces 15 dernières années est indéniable. Il était bien difficile de départager ces échantillons.

S’il y a un nouveau Monde des alcools Agricole de canne à sucre, il est bien au Brésil ! D’autant plus que les îles de  Martinique et de Guadeloupe, ne pourront pas répondre à une constante augmentation de la demande de rhum agricole car les surfaces de plantation seront toujours limitées.

Thierry Heins: Je fréquente beaucoup les rhums festivals en Europe. C’est un véritable boom de la catégorie rhum que nous constatons depuis 4 ans. Et malheureusement, les cachaças n’y sont pas présentes. Il n’y a aucune raison que le consommateur n’adopte pas la cachaça : la richesse de son profil aromatique, des vieillissements uniques, des flacons relookés…..

Le succès du rhum s’explique par le renouveau de la scène cocktail, la multiplicité de l’offre,  l’imaginaire de soleil, d’exotisme, de mer turquoise, de sable fin, de « beach party », de bars sur les plages qu’il véhicule, …. Et c’est une catégorie qui ose sortir des sentiers battus.  La cachaça possède toutes ces qualités.

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Photo : Carta Cachaça – APAR Brazil

Il est intéressant de noter également que le segment des « craft spirits » dans le monde est très dynamique. A tel point que les grands acteurs du marché (Diageo, Pernod Ricard,….) absorbent régulièrement des petits producteurs pour améliorer leur image et communiquer sur ce segment. On compte 4000 marques de cachaças et plus ou moins 1300 producteurs, pour un volume estimé à 750 millions de bouteilles. Mais à côté de quelques grandes marques (Ypioca, Pitu, Cachaça 51, Leblond…), il s’agit d’une production avant toute artisanale. Il est compliqué pour ces petites structures d’aborder ces marchés, tant les difficultés administratives et financières sont lourdes à supporter :  formalités et obtention des agréments, coût de présence sur les « trade fairs »…. Ce qui pourrait être vu comme une faiblesse est un avantage si vous surfez sur le segment des « craft spirits », à condition bien sûr d’avancer « groupés ».

L’ouverture à ces nouveaux marchés nécessite une communication appropriée sur la catégorie. Jusqu’à présent, la  communication sur la cachaça était surtout l’œuvre des quelques grandes distilleries, plus attachées à promouvoir leurs marques. Promouvoir la catégorie devrait bénéficier à l’ensemble des petits producteurs et distilleries de taille moyenne. Il faut expliquer ce qu’est la cachaça, et son infinie diversité. Depuis 2014, l’IBRAC a lancé un programme de promotion de la catégorie sur les marchés à l’export.  C’est une bonne nouvelle. Il y a un véritable marché à saisir !

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